Peintures 2013-2016
Laissons la peur du rouge aux bêtes à cornes
Ensemble de 14 châssis (400x400cm), peinture acrylique sur toile tendue sur châssis
Vent du nord
Toile et filet blanc de camouflage tendus sur châssis + petits cerfs en plastique
Ils étaient 7
46x56cm, 7 passereaux, dessins, cadre blancs.
Pourquoi ?
44x52cm 7 oiseaux martinets, miroir, cadre.
Dream
33x27cm, corne d’isard, ardoise.
Conversation avec Matisse
200x140cm, 100x140cm, 140x100cm. Peinture acrylique sur toile camouflage tendue sur châssis.
Voramar
80x100cm de moyenne, Collage et peinture acrylique sur toile camouflage tendue sur châssis.
Main d’écume
Hommage à J S Cotan , 65x40cm et 40x65cm bois profil de cadre + petites toiles tendues, acrylique sur toile tendue sur châssis.
Entre Aval et Canigou
50x30cm peinture acrylique sur toile tendue sur châssis.
Mirage
115x170cm de moyenne. Peinture acrylique sur tapis et assemblage de deux bois de cerf + acrylique
« Avec lucidité, Joël Desbouiges fuit les dupeurs. Il façonne une pensée parfois désabusée des hommes et de la société actuelle.Il place sa démarche artistique au cœur de nos fondements collectifs.Il déstabilise les idées reçues sans tout remettre en question. Il sait qu’aller droit au but est une chose impossible. Alors il progresse par séries où il exerce un œil malicieux. Jamais rassasié,il établit un dialogue subtil,nous embarque dans son œuvre sans la moindre restriction, y impulse une vibration intérieure teintée d’une interrogation sans fin. Une évidence sous-entend sa vision poétique et la rigueur de son esprit critique :
le temps n’est pas un rongeur. Réfléchissons à titre individuel puis collectif à ce qui nous pousse à aller plus loin et plus vite et immergeons nous dans cette réalité pour questionner les vanités individuelles et l’absurdité de cette société. »
Extraits de « Hasards et Signes », « Métaphores » : Frédérique VERLINDEN , Conservateur du Musée Muséum des Hautes Alpes , à GAP
Dans son entretien avec Laurent Devèze, Joël Desbouiges le déclarait expressément : Dès lors que l’artiste contemporain entre dans l’arène de l’histoire de l’art – ce qui est désormais son défi quotidien – « il n’y a pas de chronologie rigide ni de hiérarchie, seules les réponses aux questions posées font autorité ». Et il ajoute : « Dans mon atelier, je convoque autour de moi tous les siècles disponibles, toutes les expériences, tous les mouvements, l’art dit contemporain n’ayant aucune priorité, aucun privilège ». Je veux bien le croire et suis disposé à le suivre. Je ne peux m’empêcher néanmoins de m’interroger : comment le peintre d’aujourd’hui fait-il pour tenir, tout simplement, tenir dans sa foi picturale, dans cette voie ontologique, cette percée vers le monde qui pour lui passe par la peinture, face aux développements de l’art contemporain ? Face aux installations, à l’effacement des frontières entre l’art et les médias, face à l’hégémonie croissante des nouvelles images ? Peut-être en revenant « aux questions posées » ? Celles qui interrogent et continuent d’interroger par exemple la ligne et la trace : Des oeuvres comme celle de la série Uropyge relèvent bien de cette méditation là. Se référant notamment à cette série dans ce même entretien, Joël Desbouiges nous propose cette clé de lecture : « J’essaie de comprendre ce qui se passe quand le dessin, peut-être sous la forme d’écriture, se retrouve à agir comme peinture ayant perdu son sujet ». Je l’entends pour ma part doublement. Comme le constat qu’impose inéluctablement l’histoire de l’art à tout artiste plasticien, la disparition du sujet, et qui l’enjoint en permanence d’y faire face. Mais aussi comme la persistance, aujourd’hui encore, même s’il faut creuser plus profond pour la ressaisir, d’une fonction ontologique et mémoriale de l’image, du dessin, de l’apparence comme apparition, comme convocation, telle que l’exprimait la légende grecque : la légende qui raconte comment une jeune fille amoureuse avait, pour la première fois, entrepris de graver sur un mur le profil, projeté au flambeau, de son fiancée partant au combat. On aime aujourd’hui à se dire que cette jeune fille ignorait que les peintres de la préhistoire, la devançant, avaient de même évoqué, sur les parois de leurs abris, les silhouettes des cerfs et des bisons. …………………………………………….
.Les œuvres les plus récentes semblent prises d’une sorte de jubilation dans la façon dont elles s’emparent des procédures de l’art contemporain. On dirait qu’elles prennent un malin plaisir à les recycler : tout pourrait y trouver place, du kitch ostensible à l’objet réel, détourné ou même littéral – comme cet oiseau empaillé échoué sur une toile et pesant de tout le poids réel de la peinture –, de la proposition quasi-conceptuelle qui du mot fait œuvre à ces vitrines qui ne peuvent manquer d’évoquer les années 60 et leurs collections fétiches. Oui, c’est bien de recyclage qu’il s’agit, mais qui inverse en quelque sorte le recyclage auquel se livrent l’art contemporain et l’esthétique postmoderne. Là où l’art contemporain prétend en avoir fini avec l’art moderne et la peinture, l’usage et les citations qu’en font ces dernières œuvres ont au contraire pour effet de le relancer. Interroger à nouveau et à nouveaux frais la ligne, le support dans tous ces états, l’image, la trace, le tableau. Le sujet. Non pas dans l’isolement et le repli, mais dans l’ouverture et la confrontation. Contre, tout contre. Avec Desbouiges, l’art moderne continue et la peinture se relance non pas en dépit, mais au sein même de la vitrine contemporaine. La peinture, nevertheless.
Extraits de ‘’Desbois Desbouiges , ‘’ Métaphores’’ , Alain KERLAN ,Philosophe, Professeur des Universités ( Université Lyon 2).
« Laissons la peur du rouge aux bêtes à cornes »
Mais plus encore que sa profusion et sa pluralité, l’œuvre de J.Desbouiges inquiète aussi par son ironie toujours implicite : furet enfoui dans un coquillage, « Bambi » prêt à être découper dans une assiette très « menu de chasse », autant de clins d’œil à ces mondes que l’art ignore le plus souvent et qui néanmoins font le quotidien, comprenez les travaux et les jours, de nombreux contemporains de nos campagnes sinistrées. Surgissements quasi daliniens dans un univers de peinture hérité consciemment de Claude Viallat ou des enseignements de Support Surface.
En somme, Joël Desbouiges ose en art visuel ce que Jim Harrisson fait en littérature aux Etats-Unis depuis des années, démonter les codes des racines profondes d’une société qui tourne le dos à un terroir auquel pourtant elle doit tout.
Et comment ne pas moquer en effet, la tartufferie plaisante de certain haut le cœur devant un volatile plumé alors qu’à l’abri des regards de vastes abattoirs aseptisés continuent leur besogne de masse ?
On ne blâme pas la cruauté du pêcheur quand il s’agit des navires usines japonais qui raclent le fond des océans car on ne les VOIT pas procéder à l’effroyable massacre mais on crierait à l’abomination devant le paisible pêcheur de truite de Haute Saône.
Et justement, Joël Desbouiges, se moque avec volubilité de ces indignations sélectives qui souvent sont le fruit de détournements d’attentions orchestrés et qui hélas on l’aura compris ne concerne pas seulement la sphère de la chasse…
Aujourd’hui on ne rit plus beaucoup dans les expositions ; on y chuchote, et si on ne s’y prosterne pas forcément respectueusement on veille à ce que nul éclat ne trouble la tranquille assurance des lieux saints : foin de ces réactions par trop populaires ! (Rappelons nous la dame outrée d’un nu en vitrine de Cartier Bresson ou de la Noce au Louvre de Zola). Or, chez ce créateur, ancien enseignant de l’ISBA, on est en droit (voire en demeure) de rire, de sourire, de se pousser du coude, comme d’ailleurs de rêver aussi.
Laurent Devèze, 2014